Ptit Fat

Compositeur, arrangeur

Collectionneur de sonorités et dénicheur de pépites, les atmosphères de Mathieu Maurice alis Ptit FAT se nourrissent de bruits de la rue, de trompettes jazzy, de guitares sèches, de samples et breaks electro, de banjos et tamtams à coulisses... qu'il rafistole malicieusement à coups de sparadrap.

Mi-acoustique, mi-électronique, sa musique est résolument organique, recherchant le grain et la chaleur propres aux technologies pré-numériques.

Car les scénarios mélodiques de Ptit FAT ne se contentent pas d'un bel écrin, ils nous racontent généreusement quelque chose: des histoires un peu bancales, parfois drôles, souvent mélancoliques qu'on a drôlement, curieusement, inexorablement envie d'écouter.

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OUEST FRANCE

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Ptit Fat

Ce Lavallois de 31 ans fera découvrir quelques-uns de ses trésors vendredi, samedi et dimanche, au festival Les 3 Éléphants.

Chez Ptit Fat, il y a des vinyles du sol au plafond. Combien en a-t-il au juste ? « Je ne sais pas... Peut-être une tonne », glisse-t-il en souriant. Ce qui est sûr en revanche, c'est que Mathieu Maurice (c'est son vrai nom) cultive un goût immodéré pour la musique. Pour toutes les musiques : jazz, rock, soul, funk, latino, hip-hop, classique... Toutes sauf « le métal et le biniou ». Ses vinyles sont, pour lui, comme des « archives ». Les CD ? « J'en ai dans des cartons, mais je ne les écoute pas. »

Depuis quelques années, Ptit Fat propose des concepts originaux dans les grandes manifestations : pendant la pause-déjeuner, la sieste, à la plage ou en soirée, il crée des ambiances musicales en proposant une sélection de disques adaptée. Ptit Fat fait le DJ, mais pas question pour lui de passer les dernières variétoches à la mode. Pour créer ces moments particuliers, il puise dans ses trésors, sa banque de vinyles.

Faire sortir les gens

Les 3 Éléphants lui font d'ailleurs confiance pour l'animation musicale de leur village qui sera situé, cette année encore, promenade Anne-d'Alègre, le long des remparts. Demain, vendredi, de 18 h à 22 h, ce Lavallois de 31 ans ouvrira le festival avec une sélection plutôt festive. Puis, samedi et dimanche, c'est à l'heure du déjeuner, que Ptit Fat sortira sa platine pour un « pique-nique en musique ». Samedi, il sera accompagné par Papho et dimanche, par Ludope, deux autres DJ qu'il a invités à le rejoindre.

« Parfois, je fais aussi le DJ Broc'. J'achète des vinyles dans des brocantes et je les passe en soirée. Dès que le disque est terminé, tous les participants peuvent l'acheter. Parfois, ça se bagarre un peu pour l'avoir, c'est marrant. » Faire sortir les gens, les faire se rencontrer, leur faire découvrir des musiques ou leur donner envie d'acheter des disques, voilà les motivations de Ptit Fat.

Quand il ne fait pas le « sélectionneur de disques », Ptit Fat crée sa propre musique. Elle est faite d'un mélange de sons qu'il assemble avec son ordinateur. En écoutant son dernier album, Rude Paradis, sorti en 2009, on sent clairement des couleurs jazz et musiques du monde. Mais quel est son style au juste ? « Je ne sais pas. J'ai tellement d'influences différentes. En plus, aujourd'hui toutes les musiques sont produites avec des ordinateurs. Donc pour moi, tout est un peu de l'electro. » Ptit Fat n'est pas étiquetable et c'est très bien comme ça.

Solange Esteves / 11 Mai 2012

TRANZISTOR N° 38

TRANZISTOR N° 38

Si vous sortez parfois de chez vous, le nom de PTIT FAT doit sans doute vous mettre la puce à l’oreille. Non ? N’avez-vous donc jamais dansé, un ti’ punch à la main, sur ses vinyles funky dans un bar lavallois ? N’êtes-vous point tombé dans sa bouillante « marmite », potion radiophonique servie deux fois par mois ? N’avez-vous pas connu un coin d’Rude Paradis, premier disque solo, exquis comme il se doit ? Mais trêve d’alexandrins : allons à la rencontre de cet activiste des platines, à la fois touche-à-tout bricolo, collectionneur zélé, DJ lunaire et musicien « fabulateur ».

Ptit Fat : voilà plus de 10 ans qu’il traîne avec lui ce nom de scène rigolo et franglais, sobriquet de longue date qui ferait presque oublier qu’à la ville il s’appelle Mathieu Maurice et n’a, bien sûr, rien d’un « ptit gros ». Sourire bienveillant et regard pétillant, il m’accueille chez lui, m’offre un café puis me conduit jusqu’à son antre secrète, où un imposant mur de vinyles colore la pièce d’une chaleur délicieusement vintage. On se gardera bien de dévoiler les bons coins où notre hôte déniche ses trésors chaque semaine avec un plaisir constant. Mais voilà bien les fameux disques qu’il trimballe par caisses entières quand, le weekend venu, il fait crépiter ses vieilles galettes dans les zincs du 53. « Le DJ, c’est la formule la plus simple et la moins chère pour des soirées conviviales dans les bars, et sans problème de nuisance sonore. C’est beaucoup plus facile aujourd’hui qu’il y a dix ans de trouver des dates pour jouer, notamment à Laval. C’est aussi ce qui me permet de vivre de ma musique, bien que je ne conçoive pas l’activité de DJ comme mon métier. »

Not a juke-box !

Même si ses DJ sets s’articulent souvent autour d’une base soul-funk-disco bien établie, ses quelques milliers de disques lui laissent le luxe de ne jamais tourner en rond. Tout en évitant de céder à la facilité ou au caprice éméché du danseur qui demande, insistant, un tube de Boney M. « Il y a un slogan que j’aime bien et qui résume cet état d’esprit : “A DJ is not a juke-box” ! Ça ne m’empêche pas de choisir des morceaux efficaces, évidents à l’oreille tout en prenant quelques risques, passer d’un style à un autre par petites touches, y aller au feeling en fonction de l’ambiance. Un set c’est plein de mini décharges d’adrénaline pendant quatre ou cinq heures car je ne sais jamais à l’avance quel sera le prochain morceau. » Une démarche distincte de ses chouettes sélections bimensuelles sur les ondes locales de l’Autre Radio, dans la savoureuse « Marmite de Ptit Fat » : là, il concocte deux heures de sélections musicales plus ciblées. « Je choisis notamment les morceaux que je ne passerai pas dans les soirées. Je me cantonne à un style bien précis, la seule question étant : est-ce que j’aurai assez de matière pour deux heures de musique ? » On y entendra par exemple d’érudites playlists consacrées aux musiques d’Afrique, au twist, au gospel, au funk eighties ou au jazz. C’est d’ailleurs le jazz, « musique libre, riche et très ouverte », qui lui procure ses premiers émois de mélomane. Et c’est au saxo, entre deux écoutes de Charlie Parker, qu’il fait ses gammes dans un orchestre. À peine ado, il tourne le dos au solfège pour partir, en pleine furie brit pop et explosion breakbeat, à l’assaut du mythique festival anglais Glastonbury, édition 95. Et forcément, ça marque. « J’avais un pass pour accéder à toutes les scènes, rencontrer tous les groupes. Un truc énorme, il y avait une scène par thème : c’est là que j’ai découvert l’électro. J’y suis retourné deux ans plus tard, et entre temps j’avais mis de côté pour m’acheter deux platines et une mixette. J’ai pu commencer à jouer au chef d’orchestre ! »

Photo de famille

C’est l’époque des cassettes enregistrées dans son coin, petites compilations mixées avec des samples piqués sur des vinyles. Avant de découvrir les joies du home studio avec deux potes à Caen : première expérience de groupe avec Fakir et premier album. « On “bouinait” sur un ordinateur et on faisait plein d’échantillons sonores avec des bruits du quotidien. On avait un son un peu bricolé, que je n’ai pas réussi à retrouver depuis », concède-t-il, un brin nostalgique. Qu’il évoque ce projet collectif, ou bien ceux qui vont suivre, plus portés sur le live (Picturing Sound et L’entourLoOp !), Ptit Fat parle à plusieurs reprises de « fabulation musicale ». Belle image pour appréhender sa musique telle qu’il la perçoit : raconter une histoire avec des notes, sorte de rêverie mélodique, d’illustration sonore d’atmosphères ou de petits films imaginaires. En accord avec le personnage, faux timide et vrai rêveur, qui carbure à l’instinct et à la rencontre. Témoins les nombreux invités sur son premier disque solo, Rude Paradis, dont la « pochette photo de famille » réunit les amis musiciens conviés à la réalisation de l’album et de parfaits inconnus. « C’est comme un vrai groupe qui joue sur cet album, mais personne n’a joué ensemble ! J’ai bossé séparément avec chaque musicien, de façon complètement libre, en embarquant dans l’univers du morceau. Après j’ai rebidouillé chaque partie, à tel point que certains ne savaient plus où ils avaient joué ! Tout les morceaux sont constitués à partir de boucles, sans qu’on ait l’impression que ça tourne en rond ».

Patchwork musical

Entre instruments joués live, samples en pagaille et sons captés au quotidien ici ou ailleurs (sources chaudes en Islande, bruits de mer et d’ambiances en République Dominicaine), Rude Paradis a la fraîcheur des oeuvres improvisées, des partitions inachevées : un patchwork d’esquisses et de cartes postales, un work in progress au charme entêtant, ouvert à tous les horizons. « J’ai voulu synthétiser tout mon travail depuis sept ou huit ans. C’est une musique à écouter peinard en bouquinant, une musique de fond où chaque son est une image. On ne doit pas sentir la cassure entre les morceaux, pour justement ne pas “casser l’ambiance” ». Révélateur de son « amour du disque », l’album est pressé uniquement en format vinyle 33 tours, ce « bel objet au son chaleureux qui met en valeur la pochette et surtout dure dans le temps. » On se prend alors à l’imaginer en disquaire passionné, nous guidant à travers les rayons et nous faisant partager ses dernières pépites. Un rêve, qui, à l’entendre, pourrait bien un jour prendre forme…

Yoan Le Blévec / Printemps 2010